lundi 7 août 2017

Le clivage et la stagnation

La Nouvelle-Calédonie jouit d’une très grande autonomie, à tel point que Michel Rocard, en visite à Nouméa, a pu dire « L’indépendance, mais vous l’avez déjà ! ». Et c’est vrai que la Calédonie a son propre gouvernement et son propre parlement qui vote les lois et qui fixe les impôts qui sont assez différents de ceux de la France.
Parlons des compétences régaliennes. Le franc Pacifique est arrimé à l’Euro par une parité fixe. La France n’a pas plus la maîtrise de sa monnaie que la Nouvelle-Calédonie. 
La défense ? Très probablement, en tout cas je l’espère, la défense française va se fondre dans la future défense européenne.Est-ce que la Nouvelle-Calédonie a besoin d’une armée ? 
La police, la justice  ? Il est probable que même si la Calédonie devenait indépendante, elle demanderait l’aide de la France sur ces sujets. Est-ce que la Calédonie a les moyens d’avoir son propre code civil, de former ses magistrats, huissiers etc ? 
De toutes façons, cette question des compétences régaliennes doit être tranchée par le référendum  de 2018, suivi éventuellement de 2 autres référendums.
On peut donc dire que la question de l’indépendance est quasiment réglée.

Et pourtant, la plupart des Calédoniens votent d’abord en se réclamant du camp indépendantiste ou du camp loyaliste. Et ceci quelle que soit l’élection, même s’il s’agit d l'élection pour les députés européens, par exemple.

Ceci peut paraître absurde, mais en réalité cette situation est voulue par une très grande partie de la classe politique calédonienne et les électeurs réagissent en suivant ce schéma.
En France métropolitaine, le débat politique est formatée par l’opposition droite-gauche. En Nouvelle-Calédonie l’opposition loyalistes-indépendantistes recouvre l’opposition droite-gauche mais en diffère toutefois. Le camp loyaliste réunit tous les partis de droite, mais pas seulement. 
Le camp indépendantiste se situe à gauche, plus par opposition au camp loyaliste que par conviction profonde, d’où la faible implication dans les élections nationales. Enfin, il y a une partie non négligeable des électeurs qui se sentent idéologiquement de gauche ou du centre, mais qui sont viscéralement contre l’indépendance. 
Tout ceci fait que la gauche est beaucoup plus faible que la droite dans toutes les élections.
Il s’ensuit que les réformes de gauche sont très rares.
Par exemple, la première mesure de Nicolas Sarkozy a été de baisser les droits de succession. Le gouvernement d’Harold Martin a immédiatement baissé aussi les droits de succession qui étaient déjà plus faibles qu’en Métropole. La première mesure de François Hollande a été d’augmenter les droits de succession. Il ne s’est évidemment rien passé de tel en Nouvelle-Calédonie.
 C’est la raison principale pour laquelle la Nouvelle-Calédonie  affiche un retard énorme et toujours grandissant avec la Métropole en matière sociale et que les inégalités en Nouvelle-Calédonie sont 3 fois plus importantes qu’en Métropole.

Le clivage en matière institutionnelle a conduit à la stagnation sociale.

On comprend que la droite se satisfasse de cette situation. Ce sont les autres qui doivent absolument changer de stratégie. 
Il semble que le parti socialiste, en Nouvelle-Calédonie, a enfin compris que son association systématique avec les indépendantistes, lors des élections, était une erreur stratégique. Je crains que son changement de nom et les déclarations récentes de son secrétaire, ne suffisent pas à effacer, pour les calédoniens, son image d’auxiliaire des indépendantistes.
Les leaders indépendantistes doivent s’interroger. Pour certains, le discours anti-français sert à masquer leur insuffisance idéologique et leur incapacité à gérer. Je pense toutefois que la grande majorité des leaders indépendantistes sont responsables et conscients qu’ils représentent une population défavorisée. J’espère qu’ils comprendront que leur devoir prioritaire est, maintenant, de faire progresser la Nouvelle-Calédonie dans le domaine social. De toutes façons, il est peu vraisemblable que la Calédonie qui est allée extrêmement loin dans le domaine de l’autonomie, aille plus loin dans cette voie.

Enfin, il y a aujourd’hui, la place en Nouvelle-Calédonie, pour un parti qui soit clairement beaucoup   moins à droite que les partis loyalistes. La République En Marche pourrait prendre ce créneau. Politiquement, en Métropole, elle est positionnée au centre. Le centre, en métropole, c’est plutôt la gauche en Nouvelle-Calédonie car l’électorat moyen est bien plus à droite en Nouvelle-Calédonie qu’en Métropole. LREM ne s’est pas encore compromis dans le combat entre loyalistes et indépendantistes. Et donc LREM peut accueillir des indépendantistes et des loyalistes. C’est, d’ailleurs, ce qui s’est passé au second tour de la présidentielle : Des indépendantistes et des loyalistes ont appelé à voter pour le même candidat, Emmanuel Macron.
LREM peut préserver cette position unique à condition de se concentrer sur le domaine social, où il y a tant à faire et rester silencieux sur le domaine institutionnel qui a déchiré les Calédoniens, mais qui devrait être un sujet du passé dans très peu d’années. 
Toutefois LREM a de très grandes faiblesses pour devenir un parti important et même le plus important en Nouvelle-Calédonie. La faiblesse la plus évidente est son organisation interne. Au moment où ce texte est écrit, toutes les réflexions et toutes les décisions sont prises par un petit noyau autour d’Emmanuel Macron. En Calédonie, Il n’y a pas véritablement une réflexion et un vrai parti. Il y a, pour le moment, seulement des supporters d’Emmanuel Macron. Or ce n’est pas de Paris que viendront les propositions et les hommes qui feront les futures lois de la Nouvelle-Calédonie.  C’est cette faiblesse qui a empêché LREM d’investir des candidats aux législatives. J’espère que ce parti calédonien se constituera rapidement. S’il ne constitue pas en association avec La République En Marche, il est fort possible et même probable qu’un autre parti se positionnant sur le même créneau, voit le jour. 

Christian Bernardi

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