lundi 24 juillet 2017

Boycott du référendum : Le prétexte

Il y a actuellement des manifestations pour que les Kanaks soient automatiquement inscrits sur les listes électorales pour le référendum de 2018.
L’accord de Nouméa explicite très précisément le corps électoral pour le référendum et il n’y est nullement question d’une inscription automatique. On peut donc dire que ceux qui revendiquent cette extravagance ne respectent pas la démocratie, car ils remettent en cause un texte voté à une large majorité. Pour ceux qui sont signataires de l’accord de Nouméa, c’est, de plus, un reniement de la parole donnée.

A priori, cette revendication paraît totalement absurde. 
L’inscription sur les listes électorales est une démarche volontaire. Il faudrait changer la constitution pour rendre une inscription automatique, ce qui paraît presque impossible. Par contre, on peut s’inscrire sur les listes électorales jusqu’au 31 décembre 2017. C’est une démarche gratuite et aisée.
Donc, s’il y a des kanaks qui ne sont pas inscrits et qui désirent le faire, ils n’ont qu’à le faire. Si certains pensent qu’ils ont besoin d’aide pour le faire, ils peuvent leur apporter cette aide très facilement. Dans ces conditions, ce serait témoigner beaucoup de mépris pour les personnes qui ne veulent pas s’inscrire que de les inscrire de force.
De plus, pour voter, il ne suffit pas de s’inscrire sur une liste électorale, il faut vraiment aller voter le jour du vote. Si des personnes n’ont pas la motivation pour aller s’inscrire sur une liste électorale, pourquoi auraient-elles la motivation pour aller voter ? Une inscription sur les listes électorales, on n’a besoin de la faire qu’une fois dans sa vie (si on vote toujours dans la même commune) et on peut la faire quand on veut. Voter, c’est à des jours fixés, et c’est assez souvent. Rien que pour le référendum d’indépendance, trois votes peuvent être nécessaires.

Alors pourquoi cette revendication ? Pour moi, il s’agit simplement d’un prétexte pour justifier le boycott du référendum. Et à quoi pourrait bien servir le boycott, voire l’annulation du référendum ? Cela ne servirait pas la cause de l’indépendance qui n’aurait pas avancé d’un iota. 
En effet, il resterait la seule voie de la violence. Or cette voie n’a aucune chance d’aboutir à l’indépendance, comme l’expérience l’a montré.
La vérité, c’est qu’il existe des politiques et ils sont nombreux dans les 2 camps, qui n’ont pas de réformes à proposer aux Calédoniens, ni en terme d’avancées sociales, ni sur aucun autre plan mais qui se complaisent à débattre éternellement de l’indépendance. Sans ce conflit, leur inconsistance serait flagrante et ils finiraient par disparaître du paysage politique. Si le référendum avait lieu et que son résultat était extrêmement clair, cette question de l’indépendance pourrait être dépassée et les Calédoniens pourraient se consacrer à d’autres choses, à faire diminuer les inégalités, par exemple.

jeudi 20 juillet 2017

Avoir vécu les événements.

J'ai reçu ce message :
Cher Monsieur
Merci pour votre démarche, positive.
Sur le contenu:
Si vous aviez vécu les "événements", je pense que vous n'auriez pas la même approche de "corps électoral".
Amicalement

C'est très aimablement dit, mais cette remarque je l'ai entendu bien trop souvent pour ne pas répondre.

Faudrait-il avoir vécu « les événements » pour avoir un avis éclairé sur l'avenir de la Nouvelle-Calédonie ?
Remarquons d'abord que pour avoir vécu les événements avec un age d'au moins 10 ans, il faudrait avoir au moins 40 ans aujourd'hui.
Ensuite, cela laisse supposer que tous les Calédoniens qui ont vécu les événements ont un avis unanime. Or ce n'est pas le cas. Il y avait au moins 2 camps pendant les événements et chacun des camps n'a pas vécu les événements de la même façons.
Si on considère qu’il faut avoir vécu « les événements » pour pouvoir avoir un avis autorisé sur l’histoire d’aujourd’hui, alors il faudrait avoir vécu bien avant pour comprendre ces événements qui ne peuvent pas se comprendre sans connaître leurs causes profondes.
S’il faut avoir vécu les événements pour comprendre la Calédonie d’aujourd’hui, alors il faudrait aussi avoir vécu le régime de l’indigénat et assister à la confiscation des terres et leurs attributions aux colons.
Les événements font partie de l’histoire. On ne peut pas comprendre un épisode de l’histoire de la Calédonie sans comprendre les épisodes précédents.
Il est impossible d’avoir vécu toute l’histoire de la Calédonie. Il est nécessaire d’étudier l’histoire pour avoir un avis sur l’avenir, mais avoir vécu le seul épisode des « événements » est plutôt un obstacle pour prendre le nécessaire recul pour le replacer à sa juste place dans la succession des épisodes qui ont fait l’histoire de la Nouvelle-Calédonie.

mercredi 12 juillet 2017

L'impasse

Pour arriver à son état actuel, le statut de la Nouvelle-Calédonie a suivi un chemin, mais il est clair aujourd'hui que ce chemin est une impasse.

Si on lit l'accord de Nouméa, on voit qu'il est rédigé pour mener progressivement à l'indépendance. C'est comme une allée qui se termine par un ravin infranchissable : le référendum.
En 1998, Tout le monde savait que la réponse au référendum serait "non au transfert des compétences régaliennes". Aujourd'hui, c'est encore plus clair. Je serais surpris que le oui obtienne plus de 20 % des voix. Les potentiels partisans de l'indépendance sont si peu motivés qu'ils ne se donnent même pas la peine de s 'inscrire sur les listes électorales. Même s'ils se donnaient la peine d'aller voter, il est totalement impossible que le oui l'emporte.
Il faut certes organiser ce référendum pour en constater le résultat mais il faut d'ores et déjà, réfléchir au nouveau statut car le statut actuel conçu pour être provisoire est rempli de contradictions.

La première question que doivent se poser les Calédoniens, c'est quelle solidarité, ils souhaitent avec les Français des départements. Nous allons parler de cette solidarité en terme économique, en terme de droit de vote et en terme d'emploi.

Si les Calédoniens ne souhaitent pas une solidarité économique, alors les Français des départements ne leur doivent aucune aide. Pour les compétences régaliennes, la Calédonie doit rembourser à la France le coût de ces compétences.
Si, par contre, les Calédoniens souhaitent une solidarité avec les Français des départements, il faut que les efforts des uns et des autres soient comparables. Il n'est pas possible de tolérer que les impôts soient beaucoup plus faibles en Calédonie qu'ailleurs. Il faut que les impôts soient les mêmes, que les prestations soient les mêmes et que l'indexation des fonctionnaires soient supprimée. La seule compensation qui pourrait être justifiée moralement serait celle du coût du transport des marchandises à l'importation comme à l'exportation. Si l'on faisait cela, il n'y aurait plus de raison structurelle pour que la vie soit plus chère en Calédonie qu'en métropole.

Si les Calédoniens ne souhaitent pas une solidarité en terme de droit de vote, et que seuls les citoyens calédoniens ont le droit de vote pour les élections provinciales d'où procède le parlement et le gouvernement de la Nouvelle-Calédonie, il faut supprimer aux citoyens calédoniens, le droit de vote au parlement français (députés et sénateurs).
Si par contre, les Calédoniens décident que tous les Français résidant en  Calédonie ont le droit de vote aux élections provinciales, il n'y a plus aucun problème. Et il y aurait une parfaite symétrie entre un Corse résidant en Calédonie et un Calédonien résidant en Corse (comme Christian Karembeu).

Si les citoyens calédoniens ne souhaitent pas une solidarité en terme d'emploi, ils doivent sortir de l'Europe. La France et l'Europe seraient fondés à les considérer comme des étrangers du point de vue de l'emploi. En l'état actuel, la priorité à l'emploi local est contraire au traité de Rome et l'Europe et la France ne devraient pas tolérer une pareille exception. Pour moi, la priorité à l'emploi est compatible avec l'indépendance, pas avec une Calédonie qui reste dans la France et l'Europe.

Il appartient aux Calédoniens de décider s'ils veulent ou non être solidaires des Français des départements.
Les indépendantistes ont essentiellement pour électeurs des personnes qui auraient tout intérêt à la solidarité financière et les plus riches, qui n'ont pas intérêt à cette solidarité, votent en très grande majorité pour des formations loyalistes. C'est paradoxal.

Christian Bernardi

samedi 8 juillet 2017

Conséquences sociales du statut de la Nouvelle-Calédonie

Les Calédoniens ont refusé que la Nouvelle-Calédonie devienne un département. On a beaucoup écrit sur les conséquences institutionnelles de ce choix. Cet article voudrait examiner les conséquences en matière sociale en examinant les différences  sur un certain nombre de points.
Pour rendre les comparaisons plus faciles, tous les nombres ont été convertis en CFP .  Tous les chiffres sont ceux en vigueur à la date de rédaction de cet article (Juillet 2017).

En France, le Smic mensuel est de 198 850 CFP.
En Nouvelle-Calédonie le montant du salaire minimum garanti est de 154 706 CFP et celui du salaire minimum agricole garanti est de 131 502 CFP.
Dans les 2 cas, il s'agit d'un montant brut pour 169h de travail par mois.

En France, Le RSA (revenu de solidarité active) assure un revenu minimal aux personnes sans ressources de plus de 25 ans.
le RSA pour une personne seule est de 64 055 CFP,
le RSA pour une personne seule avec 2 enfants est de 115 298 CFP
le RSA pour un couple est de 96 082  CFP
le RSA pour un couple avec 2 enfants est de 134 515 CFP
En Nouvelle-Calédonie, il n'y a pas de RSA.

En France, les allocations de chômage sont beaucoup plus élevées qu'en Nouvelle-Calédonie.

En France, le montant de l'allocation de solidarité aux personnes âgées (Aspa), encore appelée minimum vieillesse, est de 95 823 CFP pour une personne seule et de 148 806 CFP pour un couple.
En Nouvelle-Calédonie, le montant du minimum vieillesse est de 88 034 CFP pour une personne seule et de 134 639 CFP pour un couple.

En France tout le monde a le droit et l'obligation de cotiser pour la retraite. En Nouvelle-Calédonie, il n'y a pas de caisse de retraite pour les non-salariés. Cela peut évidemment amener à des situations très difficiles. On pense tout de suite aux artisans mais il y a bien d'autres professions qui posent problèmes. Par exemple, un prêtre de métropole a une retraite. Il est obligatoirement déclaré par l'église qui cotise pour lui. En Nouvelle-Calédonie, rien de tout cela n'existe. Par conséquent, si à 50 ans, un prêtre veut quitter son métier parce qu'il a perdu la foi et pour toute autre raison, même s'il trouve un travail salarié, il ne pourra pas cotiser suffisamment longtemps pour se constituer une retraite.

Passons maintenant aux impôts.
Il est difficile de comparer l’impôt sur le revenu, à partir des textes. Fort heureusement, il existe, sur Internet, des calculateurs de l'impôt. J'ai fait cet exercice pour un célibataire qui n'a aucune réduction d’impôt particulière. Voici le résultat :
Revenu annuel d'un célibataire Impôt en Nouvelle-Calédonie Impôt en Métropole Impôt en Martinique, Guadeloupe, Réunion Impôt en Guyane, Mayotte
1 000 000 F 0 F 0 F 0 F 0 F
2 000 000 F 17 600 F 0 F 0 F 0 F
3 000 000 F 55 200 F 196 182 F 101 313 F 66 826 F
5 000 000 F 306 000 F 692 722 F 484 846 F 458 593 F
10 000 000 F 1 811 000 F 2 300 244 F 1 691 650 F 1 500 719 F
20 000 000 F 5 811 000 F 6 455 742 F 5 847 149 F 5 656 217 F
30 000 000 F 9 811 000 F 10 955 752 F 10 347 158 F 10 156 227 F
50 000 000 F 17 811 000 F 20 547 538 F 19 938 945 F 19 748 014 F
100 000 000 F 37 811 000 F 44 946 278 F 44 337 685 F 44 146 754 F
  
Pour un même revenu, l'impôt sur le revenu est moins élevé en Nouvelle-Calédonie qu'en France.

En Nouvelle-Calédonie, il n'y a pas d'impôts sur la Fortune.

Taxes sur les successions : 
Elles sont beaucoup plus élevées en France qu'en Nouvelle-Calédonie. En ligne directe, il y a un abattement par part de 100 000 € en France contre 18 000 000 CFP en Nouvelle-Calédonie et la tranche maximum est de 45 % en France contre 20 % en Nouvelle-Calédonie.
Voici un calcul des impôts pour une succession en ligne directe :
 
Montant d'une part de la succession Impôt en Nouvelle-Calédonie Impôt en Métropole
10 000 000 F 0 F 0 F
20 000 000 F 150 000 F 1 280 012 F
30 000 000 F 1 700 000 F 3 280 012 F
50 000 000 F 5 700 000 F 7 280 012 F
100 000 000 F 15 700 000 F 19 495 699 F
200 000 000 F 35 700 000 F 57 528 633 F
300 000 000 F 55 700 000 F 101 158 220 F
500 000 000 F 95 700 000 F 191 158 220 F
1 000 000 000 F 195 700 000 F 416 158 220 F

Ces impôts peuvent paraître importants mais, en Calédonie comme en France, on paye plus d'impôts sur l'argent qui provient de son travail que sur l'argent qui provient d'une succession en ligne directe, même si on étale sur 10 ans le gain provenant de la succession.

Le coût de la vie est beaucoup plus élevé en Nouvelle-Calédonie qu'en France (au moins 30 % de plus). Beaucoup de mécanismes contribuent à ce fait, mais le prix du transport y contribue très faiblement. Pour s'en persuader, il suffit de regarder les prix de denrées qui ont un très faible prix de transport par rapport à leurs valeurs, comme les smartphones, les lunettes ou les médicaments.
Une des causes essentielles est que le poids des impôts indirects (taxes sur la consommation) est beaucoup plus important en Calédonie qu'en France.

De tout cela, il résulte que les taxes et impôts redistributifs sont plus faibles en Calédonie qu'en France et que ceux qui ne le sont pas sont plus importants en Calédonie qu’en France.
En d'autres termes, « les pauvres » sont beaucoup plus taxés en Nouvelle-Calédonie qu'en France et « les riches » le sont beaucoup moins.

Toutes ces différences contribuent fortement à ce que la société soit beaucoup plus fortement inégalitaire en Nouvelle-Calédonie qu'en Métropole.


samedi 1 juillet 2017

Citoyenneté calédonienne et droit du sol

La nationalité française s’acquiert de plusieurs façons.
--Par le "droit du sang" : est français tout enfant dont au moins l’un des deux parents est français.
--Par le "droit du sol" : un enfant né en France d’un parent étranger lui-même né en France est français de naissance ("double droit du sol"). Pour l’enfant né en France de parents étrangers nés à l’étranger, la nationalité française lui revient automatiquement et de plein droit à sa majorité ("droit du sol simple différé") s’il réside en France à cette date, et s’il a eu sa résidence habituelle en France pendant une période continue ou discontinue d’au moins 5 ans depuis l’âge de 11 ans. Avant sa majorité, il peut acquérir la nationalité sur demande de ses parents (entre 13 et 16 ans), ou sur demande personnelle (entre 16 et 18 ans), avec des conditions de durée de résidence en France.
--Par la procédure de "naturalisation" 

La citoyenneté calédonienne, elle, ne s'acquiert que par le droit du sang. Ce qui signifie qu'à la date d'écriture de cet article (juillet 2017), il y a probablement des personnes majeures qui sont nées en Nouvelle-Calédonie, qui y ont vécu toute leur vie et qui n'ont pas la citoyenneté calédonienne. Si le statut de la Nouvelle-Calédonie reste le même, les futurs enfants de ces personnes, même nés en Nouvelle-Calédonie n'auront pas la citoyenneté calédonienne et n'auront pas les avantages liés à cette citoyenneté, notamment le droit de vote aux élections provinciales.

Comment en est-on arrivé là ? 
L'accord de Nouméa institue la "citoyenneté calédonienne". Il ne prévoit aucune procédure de naturalisation. Il reconnait le droit du sang. Pour le droit du sol, il ajoute une condition de durée de résidence de 10 ans.
L'accord de Nouméa a fait l'objet d'un référendum en Nouvelle-Calédonie le 8 novembre 1998 et a été approuvé par 72% des votants. 
L'accord de Nouméa a été modifié par le Parlement français réuni en Congrès à Versailles le 19 février 2007. La durée de 10 ans doit alors impérativement commencer avant le 8 Novembre 1998 (date de l'entrée en vigueur de l'accord de Nouméa). Il est à remarquer que cette modification majeure de l'accord de Nouméa n'a pas été soumis au vote des Calédoniens, mais a été faite par le parlement français et que les 3 parlementaires calédoniens ont voté contre. Cette modification faite sous le gouvernement de Dominique de Villepin a fait l'objet d'un large consensus de la classe politique française. A titre d'exemple, ont voté pour cette réforme : le sénateur Jean-Luc Mélenchon et les députés François Hollande et François Fillon.

Le référendum de 2018, quel que soit le résultat du vote, ne changera rien sur ce point. Si le résultat du référendum est un non à l'indépendance, l’État français pourrait rétablit le droit du sol par un vote du parlement réuni en congrès. Il pourrait même supprimer la citoyenneté calédonienne. 
Une révision constitutionnelle nécessite une majorité des 3/5 du parlement réuni en congrès.
Il me semble nécessaire que le président et les partis politiques français disent, avant le vote du référendum de 2018, leurs intentions dans ce domaine. 

Christian Bernardi