lundi 13 novembre 2017

Le futur statut de la Nouvelle-Calédonie : rêve ou cauchemar ?

Il y a 30 ans, en Nouvelle-Calédonie, il y avait des affrontements terribles dont l'apogée a été en 1988, le drame d'Ouvéa.
Depuis, les Calédoniens ont su dialoguer et construire un destin commun. Il y a toujours des indépendantistes et des loyalistes mais leurs points de vue se sont énormément rapprochés. Ce qui les rapproche c'est l'accord de Nouméa qui est presque arrivé à son terme.
La Nouvelle-Calédonie a déjà son propre gouvernement, son parlement, ses lois, son système d'imposition, son collège électoral. 
La citoyenneté calédonienne est une réalité revendiquée par la très grande majorité des Calédoniens. Ils plébiscitent la protection de l'emploi local. 
Il reste seulement à régler le transfert des compétences régaliennes qui opposent formellement les loyalistes et les indépendantistes, mais il me semble que, même sur ce point, ils devraient finir par s'entendre. La position des indépendantistes est simple, ils voudraient que ces compétences soient assurées par la Nouvelle-Calédonie ce qui rendrait la Nouvelle-Calédonie un état indépendant. La position des loyalistes est plus nuancée, ils sont persuadés que c'est aux seuls Calédoniens de décider sur ces questions régaliennes, mais une grande partie des loyalistes pensent que la Nouvelle-Calédonie n'est pas prête pour assurer ces compétences. Par exemple, il n'y a pas assez de juges calédoniens pour faire fonctionner la justice. C'est vrai mais il n'y a pas non plus assez de médecins calédoniens et pourtant, c'est la Nouvelle-Calédonie qui a la compétence de la santé. Quel que soit le statut de la Nouvelle-Calédonie, une armée calédonienne n'aurait pas beaucoup de sens. Pourquoi, alors, se déchirer sur cette question ?
Un compromis est tout à fait possible. Par exemple, on pourrait dire que la Nouvelle-Calédonie a les compétences pour les questions régaliennes, mais que par un traité avec la France, elle sous-traite l'organisation de ces compétences régaliennes à la France. Ce traité ne pourrait être dénoncé qu'après un référendum auquel ne participeraient que les citoyens calédoniens.  
Cet accord pourrait être trouvé avant ou après le référendum de 2018. On pourrait même modifier le référendum de 2018 pour le remplacer par une approbation de ce nouveau statut. 
On aurait ainsi réalisé le rêve des loyalistes : être indépendants tout en conservant la nationalité française et la France pourrait se targuer d'une décolonisation réussie.

Mais ce rêve pourrait se terminer en cauchemar soit pour les loyalistes, soit pour la France et l'Europe.
Le traité fondateur de l'Union européenne dit : 
"Tout citoyen de l'UE a droit de circuler et de séjourner, de travailler et d'étudier, sur le territoire des autres États membres, qu'il soit un citoyen actif ou inactif. L'entrée dans un autre État membre ne peut être refusée que pour des raisons d'ordre public, de sécurité ou de santé publique, et la restriction, comme l'expulsion, doivent être justifiées."
Rappelons qu'en droit français, les traités sont supérieurs à la Constitution.
A l'heure actuelle, un européen a besoin d'un permis de travail pour travailler en Nouvelle-Calédonie. Même un français des départements est discriminé.
Soit la Nouvelle-Calédonie ne fait pas partie de l'État français, soit l'État français ne respecte pas le traité de Rome. 
Dans la réalité, la France a obtenu une dérogation temporaire pour la Nouvelle-Calédonie, mais doit répondre à cette contradiction. 
L'esprit de l'accord de Nouméa, c'est d'accompagner la Nouvelle-Calédonie vers la voie de l'indépendance. C'est donc de résoudre cette contradiction en rendant la Nouvelle-Calédonie réellement indépendante, ce qui pourrait être considéré comme un cauchemar par une partie des loyalistes.

Si la France et l'Europe acceptaient de rendre définitif, le statut temporaire de la Nouvelle-Calédonie, le cauchemar pourrait être pour la France et l'Europe.
Si on permet à une région ou un état de ne pas respecter le traité de Rome tout en disant que ses habitants font partie de l'Union européenne, alors, dans toute l'Union européenne, chaque région ou chaque état pourrait demander un statut similaire.
Comment refuser aux indépendantistes des différents régions de France, le même statut que celui de la Nouvelle-Calédonie ? Pourquoi les Corses ou les Catalans n'obtiendraient-ils pas ce statut privilégié ? On peut s'attendre à des grands troubles partout en Europe.

Pour se sortir de cette situation, la France devrait absolument trouver une solution. Cela pourrait être de demander à chaque citoyen calédonien de choisir entre sa citoyenneté calédonienne et sa citoyenneté européenne (et française), ce qui veut dire que ceux qui choisiraient la citoyenneté française n'auraient plus le droit de vote aux élections provinciales.
Il serait temps que les loyalistes comprennent que la protection de l'emploi local et le protectionnisme pour les marchandises devraient conduire la France et l'Europe à se séparer des citoyens calédoniens.

Christian Bernardi

2 commentaires:

  1. Bonne analyse mais méconnaissance du contexte local. Si on ne tient pas compte des spécificités locales il y aura conflit social. Le problème est actuellement le même en métropole, l'ouverture des frontières génère du chômage avec les problèmes qui s'en suivent. L'Europe reste encore une utopie si l'on suit parfaitement bien l'actualité, non pas celle des media mais la celle de la réalité où l'on découvre que les pays entre eux ne s'entendent pas et s'opposent à des compromis. Alors imaginer qu'ici il suffit de dire il n'y a qu'à ....

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