lundi 25 septembre 2017

L'économie Calédonienne

Quand je suis arrivé en Nouvelle-Calédonie, il y 18 ans, la richesse des Calédoniens m'a surpris. Ayant un bon diplôme et un bon parcours professionnel,  je m'attendais à être parmi les plus riches. Ce n'était pas le cas. A qualification professionnelle égale, on est beaucoup plus payé en Nouvelle-Calédonie qu'en France. C'est vrai pour les fonctionnaires dont l'indexation est de 1,73 à Nouméa et de 1,94 en dehors de Nouméa, mais c'est vrai aussi pour les professions libérales (avocats, médecins, kiné, etc.)  et plus généralement pour toutes les personnes qualifiées.
Ce qui m'a encore plus surpris, c'est le niveau de patrimoine des Calédoniens d'origine européenne. Le patrimoine médian me paraît vraiment très supérieur à celui des métropolitains. Il serait intéressant de faire une étude sur ce sujet. On pourrait également mesurer la corrélation entre la date d'arrivée de l'ancêtre venant d'Europe et le niveau de patrimoine.

Donc les Calédoniens se portent bien, mais est-ce que l'économie de la Nouvelle-Calédonie se porte aussi bien ? Dans un article paru dans « Les nouvelles » du 25 septembre, on trouve des chiffres très alarmants. L'économiste Olivier Surdrie dit :
« Idéalement, un pays est autonome quand il exporte autant qu’il importe. Un pays complètement indépendant a un taux de couverture des imports par les exports de 100 %. Le Fonds monétaire international préconise de ne pas descendre en dessous de 95 %, sinon, on risque de faire face à des problèmes de financement de la balance des paiements. Ici, on est à 40 %. Le nickel, à lui seul seul, compense 25 % des importations. Être autonome, c’est également être autonome budgétairement. Sur la période 2006-2014, le nickel contribue à 9 % de la richesse, et sur cette même période, il n’a contribué qu’à 2,5 % des prélèvements obligatoires. » 
(…)
Les transferts ne seront plus orientés à la hausse, c’est évident. Il faudra, de plus en plus, compter sur nos propres forces. Les dépenses publiques représentent environ 56 % du PIB. La Nouvelle- Calédonie en finance 34 ou 35 %, et l’État apporte le reste. Si ce dernier se retire brutalement, on est mort, mais je ne crois pas à un retrait brutal. Ce qui est certain, c’est qu’il faudra de plus en plus de ressources propres. En premier lieu, ce qui se substituera, selon moi, et d’une manière durable, ce sont les gains de productivité, qui pourraient être convertis en baisse des prix, ce qui constituerait un gain de compétitivité. »

Voilà, où nous a amené la politique de protectionnisme. Tout le monde sait que le protectionnisme est un frein majeur aux gains de productivité. Parler de gains de productivité sans dire comment on les obtient, c'est se voiler la face. Il est urgent de démanteler la politique de protectionnisme, mais ce n'est pas ce que fait la Nouvelle-Calédonie. Bien au contraire, en protégeant l'emploi local, elle accentue ce protectionnisme et augmente mécaniquement les pertes de productivité. 

Si l'état n'augmente pas sa participation, ce qui paraît peu probable, il ne reste pas beaucoup de solutions. J'en vois 4 : 
1- Dévaluer le franc CFP, ce qui améliorerait mécaniquement la productivité.
2- Augmenter massivement le niveau professionnel des Calédoniens. Cela passe par un gigantesque plan de formation. En effet, ce qui grève le plus la productivité de la Calédonie, c'est le faible niveau de qualification des Calédoniens. Le défaut de cette mesure, c'est qu'elle mettra du temps à porter des fruits et que dans un premier temps, cela va coûter cher.
3-Baisser les salaires notamment par la désindexation des fonctionnaires. 
4-Augmenter les impôts redistributifs (impôt sur le revenu, impôt sur le capital, impôts sur les successions), afin qu'ils soient au moins au même niveau qu'en métropole. Cela permettrait mécaniquement de diminuer la contribution de l'état en augmentant les recettes de la Nouvelle-Calédonie.

 Revenons sur le sujet de la désindexation des fonctionnaires.  Olivier Surdrie dit : « Désindexer les revenus des fonctionnaires d’État, et par voie de conséquence, diminuer la rémunération des fonctionnaires territoriaux, c’est prendre le risque d’une diminution importante de la demande. C’est donc moins de production, et, selon mes calculs, dans l’hypothèse d’une désindexation totale et immédiate, la conséquence serait - 11 % de PIB. On ne peut pas se permettre ce chiffre. Quant à une éventuelle baisse des prix, qui dit qu’elle sera de l’ordre de 5 ou de 10 % ? Je pense que c’est dangereux tant qu’on n’a pas tout mesuré. Des chocs négatifs, en Nouvelle-Calédonie, on n’en a pas besoin en ce moment. » 

Cet argument est éculé. On aura une baisse de la demande, seulement si l'argent qui servait à la sur-rémunération des fonctionnaires est purement et simplement supprimé de l'économie calédonienne. Si, par contre, il sert à financer d'autres projets comme le grand plan de formation dont j'ai parlé plus haut ou le logement social, il ne devrait pas y avoir un effondrement de la demande. Si cet argent va d'une manière ou d'une autre aux plus pauvres, il y aura, au contraire, mécaniquement,  une stimulation de la demande car les catégories les plus pauvres ont une propension à consommer supérieure à celle des catégories plus riches. Si, cet argent est employé, pour améliorer la productivité de l'agriculture, on aura un double effet de levier en diminuant les importations de fruits et légumes et en stimulant la demande par des prix plus bas.
On n'a jamais besoin de chocs négatifs, mais Olivier Surdrie ne fait aucune proposition pour améliorer les gains de productivité et sortir du cercle vicieux dans lequel la Nouvelle-Calédonie, s'est enfoncée.
Continuons dans la voie du protectionnisme et un jour ou l'autre nous aurons une dévaluation massive et cela, quel que soit le résultat du référendum de 2018.

Christian Bernardi

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