jeudi 23 novembre 2017

Réflexions sur l'avenir institutionnel de la Nouvelle-Calédonie

Il existe un rapport intitulé « Réflexions sur l'avenir institutionnel de la Nouvelle-Calédonie ».

Ce rapport a été fait en 2013 à la demande du premier ministre. Ses auteurs sont 2 juristes Jean Courtial et Ferdinand Mélin-Soucramanien. Sans surprise, il a été critiqué par Mathias Chauchat ( http://larje.univ-nc.nc/index.php/component/content/article/15-analyses-arrets-decisions/droit-de-la-nouvelle-caledonie/427-reflexions-sur-l-avenir-institutionnel-de-la-nouvelle-caledonie-regard-critique-sur-le-rapport-courtial-soucramanien).

Le rapport est très convaincant quand il explique que, quel que soit la réponse au référendum, le statut de la Nouvelle-Calédonie ne pourra rester tel qu'il est aujourd'hui. Il est aussi très convaincant quand il dit qu'il est peut probable que l'on puisse dans l'avenir, cumuler la citoyenneté française et la citoyenneté calédonienne comme c'est le cas aujourd'hui.
Il est vrai que l'on ne pourrait pas revenir en arrière sur les transferts de compétences, mais cela ne veut pas dire qu'il serait possible de rester en l'état dans le cas du non au référendum, malgré ce que Mathias Chauchat s'évertue à faire croire depuis des années. Les Loyalistes le pensent souvent aussi car c'est ce dont ils rêvent. La lecture de ce rapport devrait les faire redescendre sur terre.

Sur le plan juridique, je n'ai qu'une remarque à ajouter, mais elle est importante :
Les membres des assemblées de province sont grands électeurs pour les élections sénatoriales. Or, les français qui ne sont pas citoyens calédoniens n'ont pas le droit de vote pour l'élection des assemblées de province. Ils sont donc sous-représentés pour l'élection des sénateurs. Il s'agit pourtant de sénateurs du parlement de la France, pas de la Nouvelle-Calédonie. Enfin, si la compétence des communes est transférée à la Nouvelle-Calédonie, les non-citoyens calédoniens ne pourraient plus voter pour les élections communales et ils ne seraient plus sous-représentés mais plus représentés du tout pour l'élection des sénateurs. Il est peu vraisemblable que le parlement français et le conseil constitutionnel l'acceptent. Il est aussi peu vraisemblable, comme l'explique le rapport, que l'Union Européenne accepte que les citoyens de l'Union Européenne continuent à ne pas être électeurs aux élections locales.
Les non-citoyens Calédoniens peuvent être des français arrivés en Nouvelle-Calédonie, il y a un peu plus de 18 ans, comme moi. Ils peuvent aussi être nés en Nouvelle-Calédonie, il y a un peu plus de 18 ans, donc majeurs, n'ayant habité qu'en Nouvelle-Calédonie.

Dans l'ensemble, ce rapport est excellent du point de vue juridique mais il manque un volet économique. Or, l'économie, le juridique et le politique ne peuvent pas être dissociés.

D'abord, il faut insister sur ce qui devrait changer fondamentalement en 2019, fin de l'accord de Nouméa : La France ne devrait plus financer les compétences transférées.
Je l'ai déjà dit, il y a beaucoup de solutions juridiques possibles pour l'après 2019, mais il n'y a aucune raison que l'effort financier de l'état Français soit différent suivant le statut obtenu. Tous les statuts possibles sont indépendants de l'aide financière éventuelle de la France.
Beaucoup de Calédoniens voteront non au référendum uniquement parce qu'ils ont peur que l'économie périclite en l'absence de l'aide financière de la France. La crainte est justifiée, mais il n'y a aucune raison que l'aide financière soit moindre en cas d'indépendance qu'en cas de réponse non au référendum.

Je m'étonne que les indépendantistes ne martèlent pas cet argument et qu'ils ne demandent pas à l'état français des assurances sur ce point.

lundi 20 novembre 2017

PTOM

La Nouvelle-Calédonie est un PTOM. 
Pour savoir ce qu'est un PTOM, il est conseillé de lire cet article https://fr.wikipedia.org/wiki/Pays_et_territoire_d%27outre-mer dont voici un extrait :
« Les pays et territoires d'outre-mer, dont le statut a été créé dès le traité de Rome en 1957, ne font pas partie de l'Union européenne et ne sont pas membres de l'espace Schengen bien qu'ils dépendent de pays en faisant partie.
Le régime applicable à ces pays et territoires est celui d'une association renforcée avec l’Union européenne et fait l'objet de la quatrième partie du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (articles 198 à 204, lesquels ont remplacé en 2009 les articles 182 à 188 de l'ancien traité sur la Communauté européenne), mais ils ne rentrent pas directement dans le territoire de l'Union, au contraire des régions ultrapériphériques de l'Union européenne. Toutefois, tous les citoyens de ces pays et territoires et qui disposent de la citoyenneté d'un État membre de l'Union disposent automatiquement de la citoyenneté européenne (ils sont donc électeurs au Parlement européen et participent donc aux élections de leurs représentants nationaux ou régionaux, même si leur territoire n'est pas dans l'Union européenne mais seulement associé à elle grâce à leur statut de PTOM, et même si le droit européen ne s'impose pas à eux ou à leur territoire). »

La Nouvelle-Calédonie est un PTOM depuis 1957, c'est-à-dire 60 ans, pourquoi l'Union Européenne ne pourrait-elle pas continuer à accepter ce statut pendant encore des dizaines d'années supplémentaires, rendant les craintes exprimées dans l'article précédent sans fondements ?

En 1957, la liste des PTOM était beaucoup plus fournie qu'aujourd'hui :
C'était :
« L'Afrique-Occidentale française comprenant: le Sénégal, le Soudan, la Guinée, la Côte d'Ivoire, le Dahomey, la Mauritanie, le Niger et la Haute-Volta, l'Afrique-Équatoriale française comprenant: le Moyen-Congo, l'Oubangui-Chari, le Tchad et le Gabon, Saint-Pierre-et-Miquelon, l'Archipel des Comores, Madagascar et dépendances, la Côte française des Somalis, la Nouvelle-Calédonie et dépendances, les Établissements français de l'Océanie, les Terres australes et antarctiques, la République autonome du Togo, le territoire sous tutelle du Cameroun administré par la France, le Congo belge et le Ruanda-Urundi, la Somalie sous tutelle italienne, la Nouvelle-Guinée néerlandaise. » cf https://www.cvce.eu/content/publication/1999/1/1/3cfe5473-84e3-44e0-9b1b-d4899b699830/publishable_fr.pdf

Après le Brexit, les PTOM ce seront :

Au titre de la France :
Saint-Barthélemy (9 427 habitants)
Saint-Pierre-et-Miquelon (6 034 habitants)
Wallis-et-Futuna (12 197 habitants)
La Polynésie française (274 217 habitants)
La Nouvelle-Calédonie (268 767 habitants)

Au titre des Pays-Bas :
Aruba (112 162 habitants)
Les Pays-Bas caribéens (21 133 habitants)
Curaçao (150 563 habitants)
Saint-Martin (partie néerlandaise) (37 224 habitants)

Au titre du Danemark :
le Groenland (56 000 habitants),

En 60 ans la population de l'ensemble des PTOM a considérablement diminuée. C'est une tendance lourde. Cette tendance est due aux contradictions du statut, la quasi-totalité des pays et territoires qui ont disparus de la liste de 1957 ont opté pour l'indépendance. Mayotte, au contraire, a opté pour la départementalisation, pour se garantir contre l'indépendance.
La Nouvelle-Calédonie est toujours dans ce statut instable de PTOM. Je continue à affirmer que la montée des mouvements indépendantistes en Europe qui pourraient réclamer le statut de PTOM pourrait conduire l'Union Européenne à mettre fin à ce statut archaïque d'autant plus que nombre de ces PTOM sont des paradis fiscaux (http://www.paradisfiscaux20.com/liste-noire-paradis-fiscaux-etats-territoires-non-cooperatifs.htm)

lundi 13 novembre 2017

Le futur statut de la Nouvelle-Calédonie : rêve ou cauchemar ?

Il y a 30 ans, en Nouvelle-Calédonie, il y avait des affrontements terribles dont l'apogée a été en 1988, le drame d'Ouvéa.
Depuis, les Calédoniens ont su dialoguer et construire un destin commun. Il y a toujours des indépendantistes et des loyalistes mais leurs points de vue se sont énormément rapprochés. Ce qui les rapproche c'est l'accord de Nouméa qui est presque arrivé à son terme.
La Nouvelle-Calédonie a déjà son propre gouvernement, son parlement, ses lois, son système d'imposition, son collège électoral. 
La citoyenneté calédonienne est une réalité revendiquée par la très grande majorité des Calédoniens. Ils plébiscitent la protection de l'emploi local. 
Il reste seulement à régler le transfert des compétences régaliennes qui opposent formellement les loyalistes et les indépendantistes, mais il me semble que, même sur ce point, ils devraient finir par s'entendre. La position des indépendantistes est simple, ils voudraient que ces compétences soient assurées par la Nouvelle-Calédonie ce qui rendrait la Nouvelle-Calédonie un état indépendant. La position des loyalistes est plus nuancée, ils sont persuadés que c'est aux seuls Calédoniens de décider sur ces questions régaliennes, mais une grande partie des loyalistes pensent que la Nouvelle-Calédonie n'est pas prête pour assurer ces compétences. Par exemple, il n'y a pas assez de juges calédoniens pour faire fonctionner la justice. C'est vrai mais il n'y a pas non plus assez de médecins calédoniens et pourtant, c'est la Nouvelle-Calédonie qui a la compétence de la santé. Quel que soit le statut de la Nouvelle-Calédonie, une armée calédonienne n'aurait pas beaucoup de sens. Pourquoi, alors, se déchirer sur cette question ?
Un compromis est tout à fait possible. Par exemple, on pourrait dire que la Nouvelle-Calédonie a les compétences pour les questions régaliennes, mais que par un traité avec la France, elle sous-traite l'organisation de ces compétences régaliennes à la France. Ce traité ne pourrait être dénoncé qu'après un référendum auquel ne participeraient que les citoyens calédoniens.  
Cet accord pourrait être trouvé avant ou après le référendum de 2018. On pourrait même modifier le référendum de 2018 pour le remplacer par une approbation de ce nouveau statut. 
On aurait ainsi réalisé le rêve des loyalistes : être indépendants tout en conservant la nationalité française et la France pourrait se targuer d'une décolonisation réussie.

Mais ce rêve pourrait se terminer en cauchemar soit pour les loyalistes, soit pour la France et l'Europe.
Le traité fondateur de l'Union européenne dit : 
"Tout citoyen de l'UE a droit de circuler et de séjourner, de travailler et d'étudier, sur le territoire des autres États membres, qu'il soit un citoyen actif ou inactif. L'entrée dans un autre État membre ne peut être refusée que pour des raisons d'ordre public, de sécurité ou de santé publique, et la restriction, comme l'expulsion, doivent être justifiées."
Rappelons qu'en droit français, les traités sont supérieurs à la Constitution.
A l'heure actuelle, un européen a besoin d'un permis de travail pour travailler en Nouvelle-Calédonie. Même un français des départements est discriminé.
Soit la Nouvelle-Calédonie ne fait pas partie de l'État français, soit l'État français ne respecte pas le traité de Rome. 
Dans la réalité, la France a obtenu une dérogation temporaire pour la Nouvelle-Calédonie, mais doit répondre à cette contradiction. 
L'esprit de l'accord de Nouméa, c'est d'accompagner la Nouvelle-Calédonie vers la voie de l'indépendance. C'est donc de résoudre cette contradiction en rendant la Nouvelle-Calédonie réellement indépendante, ce qui pourrait être considéré comme un cauchemar par une partie des loyalistes.

Si la France et l'Europe acceptaient de rendre définitif, le statut temporaire de la Nouvelle-Calédonie, le cauchemar pourrait être pour la France et l'Europe.
Si on permet à une région ou un état de ne pas respecter le traité de Rome tout en disant que ses habitants font partie de l'Union européenne, alors, dans toute l'Union européenne, chaque région ou chaque état pourrait demander un statut similaire.
Comment refuser aux indépendantistes des différents régions de France, le même statut que celui de la Nouvelle-Calédonie ? Pourquoi les Corses ou les Catalans n'obtiendraient-ils pas ce statut privilégié ? On peut s'attendre à des grands troubles partout en Europe.

Pour se sortir de cette situation, la France devrait absolument trouver une solution. Cela pourrait être de demander à chaque citoyen calédonien de choisir entre sa citoyenneté calédonienne et sa citoyenneté européenne (et française), ce qui veut dire que ceux qui choisiraient la citoyenneté française n'auraient plus le droit de vote aux élections provinciales.
Il serait temps que les loyalistes comprennent que la protection de l'emploi local et le protectionnisme pour les marchandises devraient conduire la France et l'Europe à se séparer des citoyens calédoniens.

Christian Bernardi